| SENTENCE 1243

Sentence 1243 – 2nd degré – C/P Synacomex 90 – Armateur disposant – Cargaison de riz – Longue attente sur rade au déchargement – Deux fumigations sur instructions de l’armateur de tête – Paiement partiel du coût des fumigations par l’affréteur au voyage.

Une cargaison de riz fut chargée en Amérique du Sud vers deux ports d’Afrique de l’Ouest. Après déchargement dans le premier port, le navire attendit sur rade environ 7 mois avant de pouvoir décharger dans le deuxième. Une première fumigation dut être effectuée plus de 4 mois après l’arrivée sur rade suivie d’une seconde deux mois plus tard, toutes deux organisées par l’armateur de tête, bien que plus coûteuses que celles proposées par l’affréteur au voyage. L’armateur disposant réclamait à ce dernier une somme qu’il avait dû payer à l’armateur de tête au titre des fumigations. L’affréteur justifiait son refus en soutenant que l’armateur disposant avait violé les clauses de la charte relatives à la fumigation dont le coût intégral devait donc lui incomber.
En analysant deux dispositions de la charte, le Tribunal arbitral a jugé que le refus par l’armateur disposant d’autoriser l’intervention du professionnel désigné par l’affréteur était bien une violation de la charte-partie. D’un autre côté, puisque l’infestation de la cargaison résultait de la durée de l’attente sur rade, le coût des fumigations devaient incomber en principe à l’affréteur. Pour la première fumigation, le tribunal a jugé que l’affréteur ne devait payer que le montant d’un devis qu’il avait sollicité d’un opérateur, mais que pour la seconde envers laquelle n’avait pas été élevée d’objection, l’affréteur devait supporter le prix réellement facturé. La demande concernant les frais de supervision et annexes a été rejetée au motif principal de la violation du contrat par l’armateur disposant.

 


Sentence 1242 – Police d’assurance maritime tous risques sur facultés – Vol durant entreposage dans cargaison de riz – Contrat de tierce détention – Commissaire d’avaries – Évaluation du préjudice – Manquants inexpliqués – Absence de preuve – Faute de l’assuré – Réduction de l’indemnité d’assurance.

Á la suite du vol avec effraction survenu en entrepôts à Monrovia dans une cargaison de riz en sacs, l’assuré demandait à ses assureurs une indemnisation en réparation de son préjudice, ce à quoi ces derniers s’opposaient considérant que l’assuré n’avait aucun droit sur la marchandise au moment des faits et donc aucun intérêt à agir.
Le tribunal arbitral a estimé que, même si la cargaison était l’objet d’un contrat de tierce détention et était gagée au profit des banques, l’assuré en restait propriétaire. Il a constaté que, sous condition que les marchandises soient stockées sous contrat de tierce détention, la police étendait les garanties sur le vol et pertes inexpliquées et couvrait celles destinées à être vendues. Mais, si le rapport du commissaire d’avaries montrait bien la disparition d’une certaine quantité de marchandise dans les entrepôts, il ne pouvait en donner une évaluation précise, faute d’avoir pu recueillir de l’assuré les éléments comptables permettant de connaître le nombre exact de sacs vendus et de ceux disparus. Le tribunal a aussi relevé que certaines obligations de l’assuré en matière de sécurisation du site et de gestion des stocks n’avaient pas été remplies et finalement décidé d’accorder au demandeur 50 % du montant chiffré dans le rapport du commissaire d’avaries bien que l’ampleur des manquants n’y était pas déterminé avec précision.

 


Sentence 1241 – – Produits sidérurgiques sous B/L – Attente prolongée sur rade au déchargement sans remise de NOR – Avaries à la cargaison – Lettre de garantie du P&I Club de l’armateur donnant compétence à CAMP – Règles de La Haye Visby – Droit à agir des réceptionnaires – Responsabilité partielle du Transporteur.

Une cargaison partielle de produits métallurgiques avait été chargée en Chine à destination d’un port africain sous couvert de connaissements émis sans réserves. Le navire arriva sur rade du port de déchargement où il resta 2,5 mois sans présenter sa notice avant de la quitter pendant 46 jours et d’y revenir. Des avaries dues principalement à l’oxydation de la marchandise ont été constatées après le déchargement. Les intérêts cargaison réclamaient aux armateurs l’indemnisation des préjudices matériels ainsi que des sommes au titre du manque à gagner et de la rupture de relations commerciales. Les défendeurs leur opposaient la non- validité de la reprise de l’instance, l’irrecevabilité de la demande et sur le fond notamment le fait que la présence de la rouille était antérieure au chargement.
Les arbitres ont d’abord admis la validité de la reprise de l’instance et écarté les exceptions d’irrecevabilité soulevées par les défendeurs. Sur le fond, ils ont considéré que si le processus d’oxydation avait bien été engagé avant le chargement, son aggravation avait été générée par le stationnement prolongé en cale. La responsabilité de plein droit du transporteur maritime étant engagée au titre des règles de la Haye-Visby, l’armateur devait payer aux réceptionnaires un pourcentage des dommages correspondant au retard de la livraison mais non les autres demandes dont il n’était pas établi qu’elles étaient reliées au retard.

 


Sentence 1240 – C/P Synacomex 1993 – Cargaison de blé – Fret FIO – Clause 5 et 23 – Risques de la manutention – Convention de Bruxelles.

Le déchargement en Tunisie d’une cargaison de blé chargée en Mer Noire était effectué par un aspirateur et une benne preneuse. La benne étant fuyarde, le Capitaine le signifia par écrits au réceptionnaire. Á la fin des opérations, un manquant fut constaté par le silo. Pour éviter la saisie du navire, le  P&I Club de l’armateur remit une lettre de garantie puis indemnisa le réceptionnaire. Il mandata ensuite l’armateur pour se retourner envers l’affréteur afin de récupérer le montant de l’indemnisation en raison de la qualification FIO du fret et de la clause 5 de la C/P qui font supporter à l’affréteur le risque du déchargement. Celui-ci refusa en excipant de la clause 23 se référant à la Convention de Bruxelles de 1924 qui prévoit que le transporteur assume la responsabilité des opérations de manutention.

Le Tribunal arbitral a rappelé que la notion de F.I.O. ne se restreint pas aux seuls aspects financiers et qu’elle suffit à elle seule à écarter la responsabilité du fréteur, hors faute de sa part,  pour les conséquences  relevant de la manutention, de plus la clause 5 de la C/P stipulait clairement que celles-ci sont assumées par l‘affréteur. La contradiction avec les dispositions de la Convention de Bruxelles n’est qu’apparente et s’explique simplement par le fait que la Convention s’applique sauf pour les dispositions de la C/P non ambiguës et librement négociées. En conséquence, le Tribunal a décidé que l’affréteur devait rembourser le montant de l’indemnisation payée au réceptionnaire.

 


Sentence 1239 – C/P Synacomex – Farine de blé en sacs – Dommage par mouille – Lettre de garantie par P&I Club aux réceptionnaires – Demande de restitution – Responsabilité du fréteur (oui) – Rectification du compte de surestaries –

Au cours du déchargement dans un port guinéen d’une cargaison de farine de blé en sacs chargée au Maroc, une violente averse eut pour conséquence l’entrée de pluie dans les cales du navire et la mouille de sacs. Une lettre de garantie fut remise aux réceptionnaires. Le fréteur plaidait la restitution de la lettre de garantie, en argumentant, en raison de la clause FIO, sur son absence de responsabilité qu’il reportait sur l’affréteur et réclamait de ce dernier un complément de surestaries. Les réceptionnaires demandaient que le fréteur les indemnise pour des avaries à la cargaison constatées dans leurs entrepôts alors que l’affréteur demandait le remboursement d’un trop-perçu de surestaries.

Le tribunal arbitral s’est d’abord déclaré incompétent sur la demande de restitution de la lettre de garantie qui prévoyait la compétence exclusive d’un tribunal civil et décidé que la responsabilité du fréteur était engagée pour les dommages constatés par plusieurs expertises au moment du déchargement mais non pour ceux constatés ultérieurement en entrepôts. Pour les surestaries, il a jugé fondée la demande de l’affréteur et donc que le fréteur devait lui rembourser le trop-perçu.


Sentence 1236 – C/P Heavyliftvoy – Transport et dépose d’une hydrolienne en mer et raccordement au câble du réseau terrestre – Départ du site avant la fin des opérations – Contrat d’affrètement ou contrat d’entreprise – Fret acquis à tout évènement (oui) – Prescription des demandes reconventionnelles (non) – Faute lourde de l’armateur (non). La charte-partie concernait le chargement d’une hydrolienne et son transport jusqu’à sa dépose sur un fond marin. Une option, déclarée par l’affréteur, prévoyait la récupération du câble principal immergé pour raccordement à l’hydrolienne puis l’immersion de l’ensemble sur le site prévu. Deux montants de fret forfaitaires couvraient, l’un l’opération transport -dépose, l’autre transport-raccordement-dépose. Des difficultés de positionnement amenèrent les parties à inverser la procédure en effectuant la dépose avant raccordement. Une tentative de raccordement ayant échoué, le navire avait mis fin à l’opération et quitté le site. L’armateur réclamait le solde du fret. En réponse l’affréteur formulait une demande reconventionnelle, couvrant divers dommages et le remboursement de frais engagés pour terminer l’opération, auxquelles l’armateur opposait la prescription. Le Tribunal arbitral a considéré que la charte-partie couvrait deux types de contrats, l’un concernant le transport de l’hydrolienne et sa dépose, l’autre, d’entreprise, relatif au raccordement du câble et sortant du champ de l’affrètement au voyage,. En conséquence, si selon la charte-partie le fret était bien acquis à tout évènement, il l’était seulement pour la partie transport-dépose dont l’affréteur était redevable du solde. Le Tribunal a estimé la demande reconventionnelle non prescrite. Cependant, en excluant la faute lourde de l’armateur, et en accord avec la C/P, il a limité la somme réclamée au titre des frais engagés par l’affréteur, à la différence entre les montants des deux frets forfaitaires en y ajoutant le coût d’une nouvelle police d’assurance souscrite par l’affréteur en raison de l’exécution incomplète de ses obligations par l’armateur. Enfin la demande concernant une franchise d’assurance a été rejetée comme relevant de négociations entre chaque partie et ses assureurs.


Sentence 1238 – Charte-partie Gencon – Loi applicable – Transport de litchis sous température dirigée – Avaries à la cargaison  – Assureurs subrogés – Responsabilité du navire (oui) – Calcul du préjudice. 

Un navire réfrigéré avait chargé à Madagascar une pleine cargaison de litchis sur palettes à destination des Pays-Bas. Après départ, les relevés transmis par le navire indiquaient que la durée prévue par la C/P de la descente en froid était largement dépassée. Á l’arrivée, des contrôles par sondage montrèrent la présence de fruits avariés. Après expéditions vers de nombreux destinataires, des lots de marchandise furent l’objet de retours ou de destructions. Les affréteurs et leurs assureurs subrogés demandaient la condamnation du fréteur et de l’armateur propriétaire à indemniser leur préjudice. Le fréteur opposait des arguments de procédure et, sur le fond, soutenait que la responsabilité du fréteur cesse à l’ouverture des panneaux, que seuls les dommages constatés au déchargement pouvaient être indemnisés.

En relevant l’absence de mention de la loi applicable dans la C/P, le Tribunal arbitral a décidé l’application de la lex fori pour la procédure et rejeté les exceptions d’irrecevabilité du fréteur. Les connaissements n’ayant pas circulé, l’action à l’égard du propriétaire a été déclarée irrecevable, mais non celle à l’égard du fréteur jugé responsable des dommages causés par la durée de la descente en froid, sa responsabilité toutefois réduite de 20% en raison de l’incertitude sur la capacité de réfrigération du navire et de l’arrivée peu avant Noël n’ayant pas favorisé la vente des fruits. Les montants des indemnisations, déterminés par expertises, ont été rectifiés à la baisse car basés sur un chiffre supérieur à celui de la police d’assurance.

 


Sentence 1237 – C/P Synacomex 90 – Farine de blé en sacs – Litige concernant frais de manutention dans un navire à faux-ponts – Désistement des demandeurs – Demande reconventionnelle du défendeur partiellement accordée. Un navire à faux-ponts était affrété pour un transport de farine en sacs. Dans la C/P, l’armateur avait confirmé que les cales de forme parallélépipédique ne comportaient aucun obstacle. L’armateur avait d’abord réclamé le paiement de surestaries en raison de la lenteur des opérations puis s’était désisté. De son côté l’affréteur demandait le remboursement de frais supplémentaires occasionnés par la non-conformité du navire avec la charte-partie. Les arbitres n’ont pu que prendre acte du désistement de l’armateur. Sur la demande de l’affréteur, ils ont constaté sur photos que les cales comportaient des ailes contrairement à la description du navire. Ils n’ont accordé cependant à l’affréteur qu’une partie du montant réclamé dont le chiffre ne leur semblait pas totalement convaincant et laissé à la charge de l’armateur deux tiers des frais et honoraires d’arbitrage.


Sentence 1234 (second degré) – C/P Mediterranean Iron Ore – Échouement hors du chenal du port de chargement – Faute nautique – Application des règles de La Haye–Visby – Exonération de l’armateur – Restitution de la contribution des assureurs facultés à l’avarie commune (non). Un vraquier s’était échoué avec pilote à bord en faisant route du terminal de chargement vers la haute mer. Une partie de la cargaison ayant dû être déchargée sur allège pour libérer le navire, un litige s’est élevé entre les armateurs et les assureurs facultés, ceux-ci soutenant que l’échouement était dû à un chargement excessif du navire en violation de la charte-partie et de règles impératives et demandant que leur contribution à l’avarie commune leur soit restituée. Se fondant sur certaines données, notamment GPS, le Tribunal arbitral a constaté que le navire s’était échoué à l’extérieur du chenal en raison d’une faute de navigation commise sous l’influence du pilote sans que les violations alléguées du code ISM et de la convention SOLAS, à supposer établies, aient eu un rôle causal dans l’évènement. Les règles de La Haye Visby, incorporées dans la C/P au voyage par référence à la General Paramount clause, étant applicables, le moyen tiré de la faute nautique qui exonère les armateurs de leur responsabilité est dès lors fondé et la demande de restitution de la contribution à l’avarie commune des assureurs a donc été rejetée.


Sentence 1235 – Riz en sacs sous connaissements. – Manquants et avaries par mouille – Lettre de garantie du P&I Club – Assureur subrogé dans les droits de l’importateur – Qualité de transporteur maritime et responsabilité du propriétaire de navire (oui). Un navire ayant chargé en Thaïlande une cargaison de riz en sacs à destination de Lomé (Togo) dut attendre 36 jours sur rade avant d’accoster pour commencer le déchargement qui fut achevé 67 jours plus tard. Á la suite de la saisie conservatoire du navire en raison de dommages à la cargaison, une lettre de garantie fut émise par son P&I Club. Les assureurs subrogés ont fondé leur recours sur deux connaissements émis sans en-tête mais mentionnant le nom de l’armateur propriétaire. Ce dernier, bien qu’ayant produit une chartepartie à temps et celle au voyage prouvant qu’il n’était pas le transporteur réel, n’a cependant pas démontré que le tiers porteur des connaissements et ses assureurs connaissait le transporteur réel. Les arbitres ont donc appliqué la jurisprudence VOMAR de la Cour de cassation qui permet au porteur du connaissement d’agir contre le propriétaire du navire. En application de la Convention de Bruxelles de 1924, l’armateur a été déclaré responsable des dommages à la cargaison mais les arbitres ont limité sa responsabilité aux avaries et manquants constatés avant les opérations de manutention et appliqué une réfaction de 30 % pour les sacs moisis en raison de la durée anormale du déchargement.


Sentence 1233 (second degré) – Contrat d’assistance entre une station de pilotage et un navire de plaisance – Validité du contrat (oui) – Situation de péril (oui) – Détermination d’une indemnité d’assistance.

Le capitaine d’un yacht de grande plaisance lance un signal de détresse MAYDAY après l’envahissement par eau de mer du garage ouvrant sur la plage arrière et d’une partie du compartiment moteur occasionnant une prise de gîte. Le gouvernail ne fonctionnant plus, il tente de gagner le port le plus proche en gouvernant avec ses deux moteurs. Alertée par le CROSS, la station de pilotage intervient avec deux pilotes et un remorqueur pour amener le yacht dans le port, fait ensuite signer au capitaine un contrat d’assistance donnant compétence à la CAMP pour la détermination d’une indemnité et obtient des assureurs une lettre de garantie.

Les parties s’opposaient, d’une part sur la validité du contrat d’assistance, l’armateur estimant que l’intervention des pilotes relevait de la mission de service public assurée par les pilotes dans leur zone de pilotage, d’autre part sur la situation de péril dans laquelle se trouvait effectivement le navire au moment de l’intervention des pilotes.

Le Tribunal arbitral a jugé que l’intervention des pilotes avait dépassé le cadre des articles L.5341-1 et suivants du Code des transports en assurant une prestation de remorquage jusqu’à l’entrée du port et que le régime de pilotage de droit français n’était pas ici applicable. Sur la réalité de la situation de péril, il a estimé que le danger auquel était confronté le navire, bien que moins imminent que ne le prétendaient les pilotes, était réel devant le risque d’une aggravation de l’envahissement mettant en jeu la flottabilité du navire. L’opération d’assistance devait donc donner lieu à rémunération qu’il a fixé à environ 3 % de la valeur du bien sauvé.

 

 


Sentence 1232 – C/P Synacomex – Voyage reporté – Conclusion d’une seconde C/P – Défaillance de l’affréteur non justifiée – Article 13 du décret du 31 déc. 1966 – Réparation du préjudice (oui).

La sentence a été rendue en l’absence de participation du défendeur qui n’a répondu à aucune convocation du Tribunal.

Une charte-partie Synacomex est conclue pour le transport d’une cargaison de blé entre un port de Sud-France et l’Italie. L’affréteur refuse de charger le navire au motif, selon lui, d’un cas de force majeure et propose de reporter la date résolutoire en contrepartie d’un affrètement similaire moyennant un fret augmenté d’1 euro par tonne en compensation financière pour inexécution. Peu après, l’affréteur indique sans explication que ce deuxième voyage ne peut être exécuté, d’où réclamation de l’armateur pour son préjudice auquel n’a pas répondu l’affréteur.

Le Tribunal sollicité par l’armateur n’a pu que constater le défaillance de l’affréteur et a condamné ce dernier à réparer le préjudice causé en se fondant sur l’article 13 du décret du 31 décembre 1966 qui dispose que l’affréteur peut résilier le contrat avant tout commencement de chargement et qu’il doit en pareil cas une indemnité correspondant au préjudice subi par le fréteur au plus égale au montant du fret.


Sentence 1231 – Riz en sacs – Police française d’assurance maritime sur facultés – Avarie du navire en cours de voyage – Déchargement et réacheminement de la cargaison – Dépréciation marchandise en raison arrivée proche de la date limite de consommation – Indemnisation par assureur (non).

Á la suite d’avaries de moteur, une cargaison de riz chargée au Vietnam avait dû être déchargée et stockée à Port Elisabeth avant d’être réacheminée, partie en cales de vraquier, partie en conteneurs, vers Abidjan, sa destination finale. L’assureur ayant payé les frais liés à ce réacheminement, refusait de payer une somme réclamée par l’acquéreur de la cargaison et affréteur du navire, en raison de la dépréciation d’une partie de la marchandise, consécutive à son arrivée à destination à une date proche de celle de sa limite de consommation et couverte selon l’acquéreur par les conditions d’assurance additionnelles annexées à la police.

Le Tribunal arbitral a d’abord tranché en faveur de la demanderesse la question de la prescription soutenue par l’assureur puis a examiné l’applicabilité à la cause des stipulations de la police d’assurance. Il a jugé que la clause additionnelle 6 visait une détérioration naturelle de la marchandise consécutive à un retard du navire ou à une avarie de moteur, mais non la seule dépréciation de la valeur commerciale. La preuve de la détérioration naturelle n’ayant pas été apportée, la demanderesse a été déboutée.


Sentence 1229 – 2nd degré – Contrat d’agence maritime – Clause d’arbitrage – Saisine d’un tribunal civil – Droit anglais – Compétence de la CAMP (partielle). Un contrat d’agence maritime comportait une clause d’arbitrage prévoyant de soumettre à l’arbitrage tout différend né du contrat mais ajoutait que l’armateur conservait le droit de poursuivre l’agent devant d’autres tribunaux si celui-ci manquait à ses engagements. L’armateur, ayant mis fin au contrat, prétendait que l’agent ne lui avait pas retourné des frets dont il avait encaissé le montant. De son côté l’agent estimait être créditeur au titre de frais qui lui étaient dus en exécution du contrat et avait engagé plusieurs procédures à l’encontre de l’armateur devant un tribunal de son pays. L’armateur avait ensuite déposé une réclamation devant le même tribunal afin d’obtenir le versement des sommes qu’il estimait dues par l’agent, puis quelque temps après avait saisi la CAMP. Les parties s’opposaient sur la compétence de la CAMP ; l’armateur considérant que la clause d’arbitrage l’autorisait à saisir simultanément la CAMP et un autre tribunal alors que l’agent soutenait que la CAMP n’était plus compétente dès lors que l’armateur avait fait le choix de soumettre d’abord le litige à un autre tribunal.

En s’appuyant sur la jurisprudence anglaise, le Tribunal arbitral a jugé qu’une convention d’arbitrage devait traduire une volonté claire des parties et que devant la divergence d’opinions sur la portée précise de la clause, il s’estimait autorisé à rejeter celle de l’armateur qui, dans un contexte commercial, défiait le sens commun des affaires. Il s’est donc déclaré incompétent sur la partie de la réclamation portée devant la juridiction civile mais a toutefois admis celle portant sur des éléments qui ne lui avaient pas été soumis et a condamné l’agent à verser à l’armateur le montant réclamé diminué de sa commission.


Sentence 1230 – Contrat de construction – Vente d’un navire de grande plaisance – Non achèvement des travaux – Non livraison suite à mise en liquidation du vendeur – Évaluation du prix en l’état et du solde contractuel. Un yacht de 50 mètres dont la construction avait été confiée par le vendeur à un chantier italien n’avait pas été livré à l’armateur en raison de la mise en liquidation judiciaire du vendeur. La demande principale du liquidateur judiciaire portait sur le solde dû par l’armateur au vendeur au moment de l’arrêt des travaux dans le chantier.

En accord avec les parties, le contrat prévoyant l’intervention d’un expert en cas de litige survenant dans son application, il a été confié à celui-ci une mission d’évaluation de l’avancement du yacht. En se basant sur ses propres appréciations, le Tribunal arbitral a légèrement modifié le chiffre exprimé en pourcentage tel qu’il résultait de l’expertise et l’a comparé avec celui des règlements de l’armateur par rapport au prix contractuel. Après prise en compte de certains avoirs, il a condamné l’armateur à payer le solde qui en résultait, majoré des intérêts légaux mais non pas du taux EURIBOR prévu au contrat car la somme réclamée n’avait pas fait l’objet de facturation.

 


Sentence 1228 – Charte-partie à temps NYPE 1946 – Riz en sacs – Avaries et manquants au déchargement – Inter-Club agreement – Intérêt à agir et recevabilité (non) – “Nul ne plaide par procureur”. Un vraquier était affrété à temps pour le transport d’une cargaison de riz en sacs d’Extrême-Orient vers deux ports africains. Après émission de connaissements sans réserve, les cales furent ventilées naturellement pendant la traversée. Des avaries furent constatées dès l’arrivée à chacune des destinations. Deux lettres de garantie émises en faveur des assureurs facultés permirent d’éviter la saisie du navire. Après transaction entre l’armateur et les réceptionnaires, les intérêts cargaison furent indemnisés. L’affréteur à temps n’ayant pas réagi à la notification du P&I Club de l’armateur le tenant responsable en vertu de l’Inter Club Agreement inclus dans la charte-partie, l’armateur saisissait la CAMP pour qu’il soit condamné en sa qualité de transporteur maritime, à rembourser à l’armateur sa quote-part des sommes payées aux intérêts-cargaison. Cependant le défendeur relevait que les indemnités transactionnelles avaient en fait été payées par le P&I Club de l’armateur aux assureurs subrogés, alors que la demande d’arbitrage avait été déposée au nom de l’armateur exclusivement, l’armateur n’avait donc ni qualité ni intérêt à agir à l’encontre de l’affréteur car en droit français la partie qui réclame en justice doit le faire pour elle-même et donc avoir subi le préjudice correspondant. Or, au vu des pièces du dossier d’arbitrage, il s’est avéré qu’en dernier ressort c’était bien le P&I Club qui avait payé les indemnités compensatrices aux intérêts cargaison et qui avait donc intérêt à agir contre l’affréteur. Le demandeur, qui n’avait reçu aucun mandat de son P&I Club, a donc été débouté par le Tribunal arbitral en vertu du principe que “nul ne plaide par procureur”.

 


Sentence 1227 – Semences de pommes de terre sous connaissement – Saisie du navire après chargement – Déchargement de la cargaison en germination ordonnée par autorité portuaire – Réceptionnaire demandeur – Responsabilité du transporteur (oui). Après mise à bord d’une cargaison de semences de pommes de terre dans un port français et émission d’un connaissement sans réserve, une saisie avait été ordonnée à la demande de l’ancien propriétaire du navire à cause d’un litige relatif à son contrat de vente. La saisie se prolongeant et en raison d’un début de germination de la marchandise, la direction du port fut judiciairement autorisée à décharger la cargaison ce qui entraîna ultérieurement une saisie par l’importateur algérien pour se garantir des conséquences de la non-livraison de la marchandise. L’importateur demandait au tribunal arbitral de décider que l’armateur devait lui payer la valeur de la marchandise non livrée à destination aux motifs de la non-exécution du contrat de transport et de l’innavigabilité du navire résultant de la saisie par le précédent propriétaire. Le défendeur opposait l’obligation des intérêts marchandises à prendre des dispositions pour limiter les dommages et alléguait que toute la marchandise n’avait pas été endommagée.

Le Tribunal arbitral a écarté l’argument d’innavigabilité car la saisie n’avait pas affecté les capacités du navire tant nautiques que relatives aux marchandises d’accomplir ses obligations mais a confirmé que l’action engagée relevait bien du contrat de transport auquel s’appliquait la Convention de Bruxelles de 1924 amendée 1979. Il a estimé que seul le manque de dispositions prises par l’armateur pour libérer le navire était à l’origine de la non-exécution du contrat de transport. En l’absence de tout rapport d’expertise, il a retenu comme élément de preuve de l’état avarié de la cargaison la note technique rédigée par un intervenant tiers pour le compte du port et a condamné le transporteur à payer au réceptionnaire la valeur de la marchandise.


Sentence 1225 – 2d degré. Contrat d’agence maritime – Livraison de conteneurs contre lettres de garantie sans production des connaissements – Régime juridique des relations contractuelles Transporteur/Agent – Application de la prescription – Responsabilité de l’agent.
Trois conteneurs expédiés séparément avaient été livrés par l’agent à leur destinataire contre simples lettres de garantie en contradiction avec les instructions du transporteur. Les marchandises n’ayant pas été payées et le chargeur ayant intenté une action contre le transporteur, ce dernier l’avait indemnisé et se retournait contre l’agent et sa société mère pour recouvrer son préjudice. Pour sa défense, l’agent soutenait que la demande était prescrite en vertu de la prescription annale s’appliquant à un contrat d’agent consignataire, ce à quoi s’opposait le transporteur qui considérait qu’il s’agissait d’un contrat d’agence maritime pour lequel la prescription est de cinq ans.
Les arbitres ont d’abord écarté l’action dirigée contre la société mère qui n’était pas partie au contrat en raison du principe de l’autonomie des personnes morales et se sont déclarés incompétents pour connaître de demandes à son encontre. Ils ont ensuite considéré que les instructions concernant la livraison des conteneurs relevaient de l’activité d’agent consignataire à laquelle s’appliquait la prescription d’un an prévue par l’article L. 5413-5 du Code des transports. L’action du transporteur contre son agent ayant été engagée après le délai d’un an devait être considérée comme prescrite sauf à reconnaître une interruption de la prescription. Or un échange de courriels entre le transporteur et son agent a été interprété par les arbitres comme une reconnaissance de responsabilité par l’agent à un moment où seule la troisième expédition n’était pas atteinte par la prescription. Le tribunal arbitral a donc jugé que l’agent devait indemniser le transporteur pour la seule troisième expédition et décidé le partage pour moitié des frais d’arbitrage entre les parties.


Sentence 1225 – 2d degré. Contrat d’agence maritime – Livraison de conteneurs contre lettres de garantie sans production des connaissements – Régime juridique des relations contractuelles Transporteur/Agent – Application de la prescription – Responsabilité de l’agent. Trois conteneurs expédiés séparément avaient été livrés par l’agent à leur destinataire contre simples lettres de garantie en contradiction avec les instructions du transporteur. Les marchandises n’ayant pas été payées et le chargeur ayant intenté une action contre le transporteur, ce dernier l’avait indemnisé et se retournait contre l’agent et sa société mère pour recouvrer son préjudice. Pour sa défense, l’agent soutenait que la demande était prescrite en vertu de la prescription annale s’appliquant à un contrat d’agent consignataire, ce à quoi s’opposait le transporteur qui considérait qu’il s’agissait d’un contrat d’agence maritime pour lequel la prescription est de cinq ans. Les arbitres ont d’abord écarté l’action dirigée contre la société mère qui n’était pas partie au contrat en raison du principe de l’autonomie des personnes morales et se sont déclarés incompétents pour connaître de demandes à son encontre. Ils ont ensuite considéré que les instructions concernant la livraison des conteneurs relevaient de l’activité d’agent consignataire à laquelle s’appliquait la prescription d’un an prévue par l’article L. 5413-5 du Code des transports. L’action du transporteur contre son agent ayant été engagée après le délai d’un an devait être considérée comme prescrite sauf à reconnaître une interruption de la prescription. Or un échange de courriels entre le transporteur et son agent a été interprété par les arbitres comme une reconnaissance de responsabilité par l’agent à un moment où seule la troisième expédition n’était pas atteinte par la prescription. Le tribunal arbitral a donc jugé que l’agent devait indemniser le transporteur pour la seule troisième expédition et décidé le partage pour moitié des frais d’arbitrage entre les parties.


Sentence 1226 – Contrat de construction d’un catamaran pour service d’éoliennes en mer – Retard de la construction – Non-versement d’un terme de paiement –– Existence du contrat (oui) – Faute du client (oui) – Dommages et intérêts (non). Le retard de la construction d’un catamaran destiné à un service d’éoliennes en mer résultait de la nécessité d’un retour d’expérience d’un premier catamaran livré par le même chantier mais n’avait pas fait l’objet d’un accord écrit. Le client défendeur n’avait pas payé le troisième terme au motif que la coque métallique n’était pas terminée mais n’avait pas dénoncé le contrat alors que les retards admissibles y figurant étaient depuis longtemps dépassés. Le chantier naval ayant apporté la preuve de la finition de la coque et ce fait ayant été reconnu par le défendeur, le Tribunal arbitral a jugé que les parties étaient toujours liées par le contrat et que le défendeur devait régler le terme réclamé mais qu’en raison des mêmes termes contractuels la coque restait propriété du chantier. Le Tribunal a rejeté la demande dommages et intérêts du chantier portant sur des frais d’exploitation et décidé le partage égal de frais d’arbitrage.

 


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